Le blog de Benji
9fév/12Off

Droit d’asiiiiiile!

droit-dasiiiiiile

Le Minipouss hongrois entre quasi-officiellement en campagne, et bien que j'essaye d'être apolitique, son idée de réforme de l'assurance-chômage me donne envie de pleurer. Et de vomir. Et de sortir avec une hache pour fracasser la tête du premier venu. (C'est la technique des Nîmois pour se déstresser, et ne rigolez pas, c'est véridique)

Je suis tombé sur cet article, qui est un extrait d'une future parution de ce qui va être le programme de l'UMP pour les présidentielles. Ce n'est pas annoncé comme ça, mais c'est tellement gros qu'il serait bête de penser autrement. Talonette-Man propose d'effectuer un référendum pour une réforme de l'assurance-chômage. Déjà, d'emblée, ça sent mauvais. Chose que je ne ferai qu'une fois dans ma vie, je vais citer mot pour mot ce qu'a dit le nabot:

"Je propose de créer un nouveau système dans lequel l'indemnisation ne sera pas une allocation que l'on touche passivement, mais la rémunération que le service public de l'emploi versera à chaque demandeur d'emploi en contrepartie de la formation qu'il devra suivre. Passé un délai de quelques mois, toute personne au chômage sans perspective sérieuse de reprise d'emploi devra choisir une formation qualifiante. A l'issue de cette formation, qui sera obligatoire, le chômeur sera tenu d'accepter la première offre d'emploi correspondant au métier pour lequel il aura été nouvellement formé."

C'est dommage, il était bien parti jusqu'à "passivement". Déjà, étant actuellement dans le système, je peux confirmer que l'allocation n'est pas touchée passivement. Il faut justifier de ses recherches d'emploi, sinon le conseiller peut demander l'annulation de l'allocation. Peu le font car ils n'ont pas que ça à faire, mais j'ai déjà eu une menace de ce genre dans le passé. En gros, actuellement il faut postuler dans n'importe quel job pour avoir au moins une réponse négative. Car sans réponse d'une boîte, l'ANPE considère que le candidat n'a pas postulé. Et ce même si on leur montre la lettre de motivation envoyée. "Mais mon bon monsieur, qui me dit que vous l'avez envoyé, ce courrier". Ah bah s'il faut envoyer tous les courriers en recommandé avec accusé de réception, on n'est pas au bout de nos peines.

Le projet, pour résumer, est fort simple: chaque demandeur d'emploi devra suivre une formation imposée, puis accepter un boulot dans cette branche. Soit, ça peut être plutôt cool. SAUF QUE...

N'oublions pas, nous sommes en France. Et on parle de Pôle Emploi, qui plus est. A l'époque où je cherchais du boulot comme agent de voyage, je leur avais déjà demandé s'il était possible de faire une formation professionnalisante dans ce domaine. A cela, on m'a répondu que non, car "on ne propose que des formations utiles". Autrement dit, ce sont des formations dans des domaines où les offres d'emploi sont nombreuses. Sur Toulon, j'avais le choix entre une formation de caisser (!), d'auxiliaire de santé en maison de retraite (...!) ou de cariste (!!!!!). La plupart des offres à pourvoir étaient pourtant en informatique, de la saisie de données à l'information. Hé bien Pôle Emploi ne propose pas de formation en informatique, juste une mise à niveau sur Word et Excel... réservés en priorité aux diplômés de Master et de Doctorat! C'est simple, c'est la formation que l'on m'a proposée il y a deux semaines. J'ai trouvé assez rigolo de proposer à un ancien chef de projet en informatique de suivre des cours de mise à niveau sur Word.

Les formations imposées seront donc forcément dans des domaines peut-être porteurs d'emploi à terme, mais qui ne prendront jamais en considération le cursus et la personnalité du candidat. L'agent ANPE ne se fera pas chier et imposera la première formation disponible au premier venu... sans possibilité de refuser, puisque cette formation sera obligatoire. C'est donc parti pour plusieurs mois de formation dans des centres qui sont parfois à plus de soixante kilomètres du domicile. Sachant que les frais de transport ne sont pas remboursés et que le prix de l'essence est assez problématique, bonjour l'angoisse.

Le pire est à venir. Une fois la formation imposée terminée, il faudra accepter obligatoirement le premier poste disponible pour ce genre de formation. Encore une fois, sans prendre en considération le background du demandeur d'emploi. Prenons un exemple simple: j'habite Nîmes, j'ai une maîtrise en géographie, une formation en tourisme, une en informatique, une en hotline et une en comptabilité. Malgré ce cursus, on m'impose de suivre une formation d'auxiliaire médical en maison de retraite. Déjà, pendant toute la durée de la formation, j'ai une boule à l'estomac car ce n'est pas du tout un domaine qui m'attire (attention, j'ai un grand respect pour ceux qui font ce boulot, je dis juste que perso, ce n'est pas ma tasse de thé, je ne suis pas taillé pour ce boulot). Cette formation me prouve d'ailleurs que je ne suis pas à ma place dans ce domaine. Cependant, comme ma formation est terminée, mon conseiller pour l'emploi me convoque, m'annonce qu'il y a un poste disponible, et qu'on m'y attend lundi. Détail sans importance: le poste est à Cherbourg... Super. Je fais comment pour me loger là-bas? Comment déménager toutes mes affaires? Je vis en couple et j'ai un enfant, comment ma femme trouve un travail et comment annoncer à ma fille qu'elle soit dire au revoir à toutes ses amies d'ici la fin de la semaine?

Bref, la proposition du nain de jardin est non seulement scandaleuse, mais elle va en plus empirer les choses! Inutile d'être devin pour savoir qu'une majorité des personnes dans ce cas feront tout pour foirer la période d'essai. Dans ce cas, retour à l'ANPE, où le processus de formation obligatoire / boulot imposé tournera en boucle.

Je n'ai déjà plus trop d'espoir pour l'emploi dans ce pays. J'ai quasiment trente ans, je n'ai jamais eu un vrai boulot fixe de ma vie, bien que je sois intelligent, cultivé, et prêt à toutes les concessions possibles et imaginables pour bosser. Je songe petit à petit à quitter ce pays qui m'a tant promis mais tout repris, afin de trouver quelque chose dans un pays, dans une société où le travail est attribué en fonction du candidat, non en fonction d'un diplôme, ou d'un piston, ou de "quotas" à la con. Maintenant, si le sarcopte passe, ce songe se transformera en nécessité vitale. Car si je suis prêt à tout faire pour travailler, je refuse de tout faire pour des gens qui n'en ont rien à cirer de moi, pour qui je ne suis qu'un numéro ou qu'une source potentielle de prime en fin de mois.

Je sais, plusieurs me le disent déjà, l'herbe n'est pas plus verte ailleurs. Parfois, c'est même pire. Certes. Toutefois, je me rappelle encore ma première visite en Angleterre, où l'on m'a proposé d'emblée de m'enrôler dans l'armée. Je me souviens de mon pote Darren qui me proposait de rentrer dans sa boîte alors qu'il n'avait même pas lu mon CV. Je me souviens de cette directrice de magasin à Manhattan qui m'a proposé de m'embaucher après lui avoir fait une remarque judicieuse pour son magasin... et de me donner sa carte de visite en me demandant de l'appeler si j'obtenais un jour un visa de travail. Je me souviens d'un correspondant à Denver qui me proposait de bosser comme prof de français là-bas, tout simplement parce que je lui avais prouvé que j'aimais aussi bien la langue de Shakespeare que celle de Molière. En France, par contre, je me souviens de la chef d'agence de Nouvelles-Frontières qui me sort qu'on embauche pas de Bac +4 chez eux parce qu'ils "se la pètent trop". Je me souviens de la directrice de l'agence de voyages de Carrefour qui m'annonce tout naturellement qu'on ne met pas "un coq dans un poulailler". Je me souviens d'une clinique vétérinaine de la banlieue de Toulon cherchant un webmaster me sortir qu'il fallait impérativement être de langue maternelle turque pour ce poste car le logiciel de création de pages Web était en turc. Je me souviens aussi de la gérante d'une boîte d'informatique qui cherchait un formateur m'annoncer que je ne savais pas faire une image en roll-over sur un site, alors qu'elle attendait un fichier GIF animé.

La décision est donc toute faite. Si ce petit crétin passe et qu'il impose cette réforme, il en va de ma survie de partir de ce pays... si je ne l'ai pas fait avant. Après tout, le droit d'asile politique, si le  chef d'Etat a le QI de Ribéry, ça pourrait passer, non?

Encore une fois, je tente d'être apolitique, le plus possible. Mais quand on sort des conneries pareilles, en prétextant que cela évitera à ceux qui cherchent vraiment du boulot d'être "passif"... Hé bien ça me met hors de moi.

(soupir)